La Plaine de Rosny (Rosny-sous-Bois) est l’une des deux entités des Coteaux d’Avron. Ces sites constituent quelques « îlots » de nature épargnés par la forte pression urbaine des années 1960. Les milieux abritant des espèces aquatiques telles que les batraciens ou les libellules sont devenus rares.
La Plaine de Rosny, également appelée Pelouses du Château d’Avron, n’a jamais pu donner lieu à la construction en raison de l’exploitation souterraine de carrières de gypse. Cette zone à ainsi conservé des espaces à caractères naturels. Ce site comporte deux parties très distinctes :
- Les sols d’origines du plateau, plutôt siliceux, avec des mares et prairies très vertes.
- Les sols remaniés par les comblements de carrière de type friche sèche calcaire à aspect de steppe.
Située à 12 km de Paris, à une altitude de 114 mètres, altitude maximum du Plateau d’Avron, cette étendue est délimitée par la ville de Villemomble au Nord, de Neuilly-Plaisance au Sud et de Rosny-sous-bois à l’Ouest. Elle constitue en outre une continuité naturelle avec la coulée verte qui recouvre les carrières souterraines de Neuilly-Plaisance à l’Est, et prolonge également le site des Vergers du Bel-air.
On notera que les Vergers du Bel-air sont inscrits en Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique par le Ministère de l’environnement.
Intérêt culturel, historique et paysager des mares
Les mares peuvent être d’origine naturelle. Il s’agit alors de cuvettes au substrat imperméable, dans lesquelles s’accumulent les eaux de pluie, de ruissellement ou de source.
Les mares sont cependant le plus souvent d’origine artificielle, liées à des activités humaines ancestrales. En effet, les mares ont en effet été pendant très longtemps un auxiliaire privilégié de l’homme qui en creusait presque partout où il avait des activités :
- Dans les cours des fermes pour diverses utilisations domestiques (toilettes, eau de cuisine, de lessive et même de boisson), pour l’élevage de canards ou comme réserve d’eau en cas d’incendie.
- Au centre des villages où ces mares étaient collectives.
- Dans les champs où elles étaient utilisées pour abreuver le bétail, pour drainer des terres (agissant ainsi contre les inondations et l’érosion des sols) et pour réguler l’hydrométrie atmosphérique lors des saisons sèches.
- Au bord des chemins où elles servaient d’abreuvoir pour les animaux de trait.
Dans ses publications sur les mares de Haute-Normandie, J. CHAIB présente notamment les résultats d’une étude ethnoécologique et historique des mares. Il explique que de tout temps l’homme a recherché la proximité de l’eau. Ainsi au Paléolithique, il se cantonnait aux abords des cours d’eau ou des sources ; au Néolithique, suite à une forte augmentation démographique et au développement de l’agriculture et de l’élevage, il a quitté les vallées et a appris à tirer partis des petites collections d’eaux naturelles, puis comme cela ne suffisait pas, il s’est mis lui-même à en créer selon ses besoins, là où les propriétés du sol et les précipitations le lui permettaient.
L’homme acquit ainsi une plus grande liberté d’extension dans l’espace. Malgré les problèmes d’hygiène et l’inconvénient de la baisse des réserves en eau lors des périodes de sécheresse, l’homme n’a pu pendant longtemps (jusqu’au XIXème siècle) trouver meilleur mode d’alimentation en eau que les mares qu’il creusait. Ni les puits dont le coût de construction et d’entretien était particulièrement élevé et dont les ressources restaient très aléatoires, ni la collecte d’eau de pluie dans les citernes dont le confinement rendait ces eaux tout autant insalubres, ne surent remplacer les mares. La véritable révolution n’interviendra qu’avec l’adduction généralisée d’eau potable, le drainage artificiel et autres fruits de la modernité qui signeront la fin de l’utilisation (et donc du creusement et de l’entretien) des mares par l’homme.
On trouve au siècle passé, de nombreuses mares, réceptacles des eaux superficielles, sur le sommet même du Plateau. Ce sont la Mare aux Loups, les Mares de la Pelouse et quelques autres sans dénominations particulières. Celles-ci, bien qu’existant toujours à l’époque, n’ont pas été prises en compte sur les cartes de 1890. La guerre de 1870 avait complètement modifié le paysage du Plateau d’Avron, surtout en ce qui concerne la partie boisée, pratiquement anéantie. Sur la carte de 1929, on observe en revanche très nettement les mares, chemin d’Avron, chemin rural n°9 et lieu-dit « la Garenne ». On observe également tout prés de la mare du chemin d’Avron, le chemin d’Exploitation donnant sur les carrières de gypse.
Intérêt herpétologique
Sur les six espèces de batraciens présentes sur le Plateau d’Avron, cinq ont été observées sur la Plaine de Rosny. Parmi elles, certaines sont rares au niveau régional et surtout départemental. Tous ces batraciens sont totalement protégés à l’exception de la grenouille verte qui bénéficie d‘une protection partielle. La présence de milieux aquatiques est un atout majeur de ce site et permet d’assurer la pérennité de ces espèces. On remarque que ces animaux se situent sur un « îlot vert » au centre de la ville et qu’ils ne peuvent que très peu communiquer avec d’autres milieux. Le réseau routier est un obstacle qui limite considérablement leurs déplacements.
Notre méthode d’observation et de recensement des batraciens pour le site consiste en de nombreuses sorties nocturnes durant les périodes propices à la reproduction des batraciens c’est-à-dire au printemps pour la majeure partie des espèces et au courant de l’été pour l’Alyte accoucheur (Alytes obstetricans). Nous effectuons également des captures pour identifier les tritons et les larves. Cela nous permet d’estimer la densité de certains tritons. Il en ressort qu’une espèce tel que le Triton ponctué (Lissotriton vulgaris) est bien moins représenté et donc plus fragile que le Triton palmé (Lissotriton helveticus). Ce type de recensement est toujours pratiqué de manière à ne pas troubler la tranquillité des individus.
Intérêt ornithologique
La Plaine de Rosny est une continuité des carrières de Neuilly-Plaisance inscrite en Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistiques et Floristique (ZNIEFF). Il semble évident que des échanges de populations d’oiseaux ont lieu avec tous les autres milieux du Plateau d’Avron et même des espaces voisins (Glacis du fort de Noisy, parc des Beaumonts à Montreuil, carrières de Gagny). Les espèces nicheuses sont donc les mêmes que sur l’ensemble du Plateau d’Avron et nous pouvons rappeler que le Torcol fourmilier (Jynx torquilla) et le Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) étaient nicheurs jusqu’en 1989 ! La Plaine de Rosny est un « milieu ouvert » composé d’une strate herbacée, d’une faible strate arbustive et de petites zones aquatiques. La strate herbacée domine le paysage, ce qui d’un point de vue ornithologique nous donne des espèces « champêtres » de milieux ouverts au cœur d’un environnement urbain. Au total, ce sont 80 espèces observées sur la Plaine de Rosny, partie intégrante du Plateau d’Avron, soit 49 espèces nicheuses ou nicheuses à proximité, et 31 migrateurs (y compris en survol).
Ce site accueille une avifaune riche pour le département et la présence de l’eau attire les oiseaux migrateurs que ce soit pour une courte ou longue durée. Ces particularités font de cet espace un milieu relictuel pour un département où le nombre d’oiseaux champêtres diminue.
Intérêt entomologique
La présence de milieux divers tels que les mares, les strates herbacées, les strates arbustives et les vergers offre une richesse d’insectes remarquable pour la petite couronne. On remarquera également que de nombreuses espèces sont méditerranéennes et que le microclimat régnant sur certaines pelouses peut les qualifier de pelouses thermophiles. Parmi la diversité des espèces rencontrées sur le Plateau d’Avron, nous avons sélectionné les plus remarquables. Le recensement effectué par Gérard Brusseaux concernant les lépidoptères du Plateau d’Avron totalise 321 espèces. Les captures des coléoptères et des lépidoptères nocturnes ont été réalisées sur les Vergers du Bel-air situés au Sud de la Plaine de Rosny. Notons la présence d’autres invertébrés remarquables sur la Plaine de Rosny telle que l’Argiope frelon (Argiope bruennichi) est une araignée tisseuse de toiles se rencontrant dans les prairies et buissons chauds.
La présence de la Mante religieuse (Mantis religiosa) est peu commune dans le département et mérite notre attention. Située à l’extrême nord de son aire de répartition, cet insecte affectionne les biotopes chauds et ensoleillés. De nombreuses oothéques (coques recouvrant un ensemble d’œufs) sont trouvées dans les pelouses sèches de la Plaine. Cet insecte est protégé par la loi au niveau de la région Ile-de-France.
Le Grillon italien (Oecanthus pellucens), se trouve également à l’extrême Nord de son aire de répartition et est lui aussi protégé en région Ile-de-France. On le rencontre dans tous les endroits secs, buissons, pelouses marneuses du Plateau d’Avron. Il est particulièrement bien représenté sur la Plaine de Rosny.
Notes sur l’intérêt mammalogique
La Plaine de Rosny n’a pas été encore soumise à des inventaires sur les mammifères. On peut cependant noter la présence certaine et régulière de deux espèces protégées en Seine-Saint-Denis : le Hérisson d’ Europe (Erinaceus europaeus) et la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus). D’autre part, on note également la présence régulière de deux carnivores sur le site : le Renard roux (Vulpes vulpes) et la Fouine (Martes fouina).
La présence de micro-mammifères confère également un intérêt pour les oiseaux prédateurs et les carnivores.
Notes sur l’intérêt floristique
Parmi les espèces les plus remarquables du site on distingue:
- Des espèces méridionales : Polypogon de Montpellier (Polypogon monspeliensis), Iris fétide (Iris foetidissima), Scolyme d’Espagne (Scolymus hispanicus), Baguenaudier (Colutea arborescens).
- Des espèces prairiales : Sauge des près (Salvia pratensis), Raifort (Armoracia rusticana), Ophrys abeille (Ophrys apifera) dont notamment la forme aurita/albinos, Centaurée des près (Centaurea jacea), Centaurée noire (Centaurea nigra), Orobanche du picris (Orobanche picridis), Laiche distique (Carex disticha).
- Des espèces xériques et/ou steppiques : Vergerette acre (Erigeron acris), Absinthe (Artemisia absinthium), Centaurée jacée (Centaurea jacea), Centaurée maculée (Centaurea maculosa), Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis), Orchis bouc (Himantoglossum hircinum).
- Des espèces palustres : Jonc des tonneliers (Scirpus lacustris), Jonc glauque (Juncus inflexus), Laiche des renards (Carex vulpina), Laiche cuivrée (Carex cuprina), Pulicaire dysentérique (Pulicaria dysenterica), Saule noir-cendré (Salix atrocinerea).
- Des espèces calcicoles : Prunier de Sainte Lucie (Prunus mahaleb), Aigremoine odorant (Agrimonia procera).