Lors d’une prospection en bord de Marne, dans le cadre de la mise à jour de la ZNIEFF de type I « Plaine inondable de la « haute-île »», trois petites plages de sable en bordure de la Marne attirent notre attention. Celles-ci pourraient permettre de trouver des restes de diverses espèces peuplant le cours d’eau.
Ces plages se sont avérées être composées en très grande partie de restes de nombreux mollusques aquatiques. Ces restes sont malheureusement dominés par des coquilles de deux espèces exotiques envahissantes, la Corbicule asiatique (Corbicula fluminea) et la Moule zébrée (Dreissena polymorpha), deux espèces provenant respectivement d’Asie et du bassin de la mer Caspienne, proliférant dans certains cours d’eaux Français.
En regardant mieux parmi les restes de ces espèces invasives, des restes de 5 espèces locales furent trouvés. Parmi eux, les coquilles les plus représentées sont celles de la Paludine d’Europe (Viviparus viviparus), jusqu’à plusieurs centaines de coquilles sur l’une des plages. Cette espèce d’escargot peuple les zones de cours d’eau avec un courant moyen à faible, et, bien que commune, elle ne semble jamais avoir été notée en Seine-Saint-Denis.
Ensuite arrivent les restes d’un duo d’espèces indifférenciables sans analyse génétique : la Mulette méridionale (Unio mancus) et la Mulette des peintres (Unio pictorum). Deux espèces inconnues en Seine-Saint-Denis.
Plusieurs coquilles de Mulette des rivières (Potomida littoralis) ont été trouvées en très bon état de conservation. Cette espèce classée en danger sur la liste rouge des Mollusques continentaux de France métropolitaine (lien) est en très fort déclin et n’avait jamais été observée en Seine-Saint-Denis. Cette espèce venait justement d’être redécouverte dans la marne Francilienne (lien).
Deux coquilles de Sphaerium sp. ont été trouvées. Celles-ci sont encore en cours de détermination, mais il semblerait qu’elles appartiennent à la Grande cyclade (Sphaerium rivicola). Comme l’espèce précédente, cette espèce est en grand déclin et est classée en danger sur liste rouge. Elle serait également nouvelle pour le département.
Enfin, quelques coquilles de Mulette épaisse (Unio crassus) ont été découvertes, dont certaines en très bon état de conservation. Cette espèce semble être l’un des bivalves les plus menacés de France, avec une estimation allant jusqu’à 90% de diminution des effectifs. Elle est étonnamment classée en préoccupation mineure sur la liste rouge nationale, mais est considérée comme vulnérable en Europe et en danger à l’échelle mondiale. En France, cette espèce est protégée, et elle est également déterminante ZNIEFF dans la région. Encore une fois, il s’agit d’une espèce visiblement nouvelle pour le département.
Ces nombreuses découvertes nous ont poussé à chercher de manière plus attentive ces espèces dans le département. Suite à cela, plusieurs autres découvertes ont été faites.
A Tremblay-en-France, quelques coquilles ont été trouvées dans le Canal de l’Ourcq : plusieurs appartenant au duo Mulette méridionale/Mulette des peintres, et une possible coquille de Mulette épaisse en mauvais état et dont la détermination n’est pas certaine. De prochains inventaires viseront à approfondir nos connaissances sur ce groupe dans le secteur.
En bordure de l’étang de Ville-Evrard, une coquille d’Anodonte des cygnes (Anodonta cygnea), une très grande espèce de moule atteignant parfois 20cm, a été trouvée. Cette espèce considérée comme vulnérable sur la liste rouge nationale est déterminante ZNIEFF dans la région. Elle peuple de préférence les eaux stagnantes ou à très faible courant et avait déjà été trouvée dans les étangs de la Forêt de Bondy.
Fait intéressant, les Mulettes et Anodontes se reproduisent en expulsant des larves appelées glochidies dans l’eau. Ces larves se fixent alors sur les branchies de diverses espèces de poissons, variant en fonction des espèces. Les Glochidies de la Mulette épaisse se développent par exemple sur les branchies de poissons tels que le Chabot, la Perche ou la Truite fario.
Ce secteur de la Marne est également connu pour accueillir la Bouvière (Rhodeus amarus), un poisson au mode de reproduction très particulier et dépendant de la présence de Mulettes du genre Unio et Anodonta. En effet, la Bouvière va pondre ses œufs dans les branchies d’une Mulette où les alevins entameront leur développement.